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Shona Whyte – Les nouvelles technologies pour faciliter l’apprentissage des langues étrangères

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Shona Whyte est maitre de conférences à l’Université de Nice Sophia Antipolis où elle enseigne l’anglais et l’acquisition et l’apprentissage des langues étrangères. Responsable du parcours anglais du nouveau master MEEF, cette docteure en sciences du langage est très impliquée dans la formation de futurs enseignants.

 

Côté recherche, avec les projets iTILT puis iTILT 2, Shona Whyte s’est intéressée à l’usage des outils numériques, et plus particulièrement du tableau blanc interactif (TBI), pour l’enseignement des langues étrangères.

 

Comment aider les enseignants à s’approprier ces nouvelles technologies ? Quels sont les avantages en termes de pédagogie ? Quels freins faut-il encore lever ? Shona Whyte a accepté de répondre à nos questions.

 

 

Démocratiser les usages grâce à des exemples concrets

 

Pouvez-vous nous parler des projets iTILT et iTILT 2 ?

 

Le projet iTILT (Interactive Technologies in Language Teaching) a été créé pour faciliter l’intégration des nouvelles technologies dans l’enseignement des langues. C’est un projet européen qui regroupe sept pays – la France, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Pays de Galles et la Turquie – et qui touche à des contextes variés : primaire, secondaire, formation professionnelle et université.

 

Si nous nous sommes d’abord intéressés au tableau blanc interactif, c’est parce que nous avons commencé à réfléchir au projet en 2009/10 et qu’à l’époque, les TBI gagnaient du terrain : en Angleterre, presque toutes les classes étaient équipées.

 

Pour iTILT, nous avons à la fois formé les enseignants à l’utilisation de l’outil et filmé des séances avec le TBI dans des classes de différents niveaux. Grâce aux enregistrements que nous avons réalisés, nous avons pu créer un site web qui regroupe près de 250 clips vidéo. Les exemples sont accompagnés de descriptifs des cours et/ou commentés par les enseignants. Cela permet aux professionnels de voir ce qui peut être fait et comment cet outil peut être utilisé en classe de langues.

 

« Très souvent, un des freins qu’on trouve à l’intégration de nouvelles technologies, c’est le manque d’exemples concrets. On peut lire un manuel et se dire que c’est un outil qui va être utile mais, sans exemple, c’est difficile de faire le premier pas. »

 

En parallèle à ce projet, j’ai publié un livre qui s’appelle Implementing and Researching Technological Innovation in Language Teaching. Pour ça, j’ai suivi pendant près d’un an les neuf enseignants qui faisaient partie du volet français du projet iTILT – quatre en primaire, deux au collège, deux au lycée et un dans le supérieur – pour comprendre quels étaient les facteurs qui avaient un effet sur l’adoption ou non de l’outil numérique.

 

« Les technologies sont intéressantes en elles-mêmes mais c’est tout aussi pertinent de mettre l’accent sur la personne plutôt que sur la technique. Si chacun a sa façon d’apprendre une langue étrangère, chacun a aussi sa façon de s’approprier un outil dans son enseignement.»

 

Ce que nous avons constaté, c’est qu’il n’est pas possible de dire que le TBI va aider à l’apprentissage direct d’une langue étrangère : l’outil est toujours médié par celui qui s’en sert c’est-à-dire l’enseignant. Et cet enseignant va s’en servir selon son idée, son projet, ses objectifs, et sa perception de l’utilité de l’outil.

 

Avec iTILT 2, nous travaillons sur d’autres outils que le tableau blanc interactif.  Le TBI a eu moins de pénétration en France qu’ailleurs en Europe et certaines études ont montré qu’il était plus utile à l’école primaire que dans les collèges/lycées. Nous nous sommes donc intéressés à d’autres technologies, plus mobiles : tablettes, visio-conférence ou encore téléphones. Nous filmons cependant toujours les séances et avons gardé un dispositif assez similaire, à deux exceptions près. La première, c’est que nous essayons de former davantage aux méthodes d’enseignement et moins à l’utilisation de l’outil et aux aspects techniques.

 

« Nous nous sommes aperçus que, parfois, les résultats un peu décevantspar exemple des utilisations du TBI qui ne seraient pas forcément très interactives venaient plus d’une conception erronée méthodes à utiliser et des finalités de l’enseignement que d’une mauvaise prise en main de l’outil. »

 

Nous utilisons également une approche dite actionnelle : plutôt que de mémoriser des listes de vocabulaire ou d’apprendre par cœur des règles grammaticales, nous cherchons à utiliser la langue dans des contextes qui s’approchent de contextes authentiques, en imaginant de vraies situations où nos élèves pourraient être amenés à utiliser la langue étrangère.  La deuxième différence avec le premier projet iTILT, c’est que nous encourageons plus d’interactions entre enseignants de pays différents par le biais d’une plateforme pour des échanges en ligne.

 

 

le numérique pour faire évoluer les façon d’enseigner

 

Quels facteurs d’appropriation de l’outil numérique par les enseignants avez-vous constaté ?

 

Pour la rédaction de mon livre, au début et à la fin du projet iTILT, j’ai donné à remplir aux neuf enseignants français que je suivais un questionnaire sur leur perception de leur propres compétences et de l’utilité de l’outil. Cela m’a permis d’identifier trois profils. Trois enseignants ont participé à la plupart des activités du projet mais ne sont pas allés au-delà de ce que nous leur demandions. Un second groupe était plus impliqué : tous ont beaucoup progressé au niveau de l’utilisation du TBI mais un peu moins côté réflexion pédagogique. Enfin, les derniers ont changé assez radicalement leur façon d’enseigner.

 

« Les enseignants qui ont le plus progressé avec l’outil numérique se posaient déjà des questions au sujet de la didactique et de la pédagogie. Ils ont vu dans l’enseignement avec le TBI et dans la participation au projet l’occasion de se développer et de changer. » 

 

Un très bon exemple, c’est celui d’une enseignante en CLIS, dans une école primaire. Dans le cadre du projet, nous avons demandé aux élèves de dessiner leur cours d’anglais. Quand elle a regardé les dessins, elle a vu que c’était elle qui prenait le plus de place et que les élèves se représentaient comme étant tout petits. Elle en a conclu qu’elle était trop présente et a changé de pédagogie pour essayer de se mettre plus en retrait par rapport aux interactions au TBI.

 

 

Quels sont les usages qui sont permis par ces outils numériques ?

 

Pour revenir à cette enseignante de Clis, ce qui lui a plu dans le TBI, c’est la possibilité de focaliser l’attention de tous les élèves en même temps. Globalement, les enseignants du primaire et du collège, disent que c’est l’un des gros avantage de l’outil : comme il est très grand, très coloré et très lumineux, il attire le regard de tous les élèves.

 

>>> A lire aussi : TBI et tablette : pas de concurrence mais de la complémentarité <<<

 

Dans les classes de langues, on travaille souvent en petits groupes, loin du tableau. Le TBI permet de lancer une activité et, quand elle est terminée, de reprendre la classe en main de façon très efficace puisqu’on concentre l’attention très rapidement et très clairement sur quelque chose à faire.

 

Le TBI permet d’afficher des images et d’intégrer des fichiers multimédia très facilement. Ce n’est pas du tout la même chose qu’une présentation Powerpoint dans laquelle les diapositives se succèdent dans un ordre défini à l’avance, quelles que soient les réactions des étudiants ou apprenants. Quand on travaille avec un TBI, on peut ajouter une page en plus, prendre des notes sur le côté, revenir en arrière. Si on fait un brainstorming en classe, on peut garder les fichiers et les exporter en PDF, ce n’est pas perdu comme sur un tableau qu’on efface.  Plusieurs enseignants ont également souligné la possibilité de pérenniser les contributions d’élèves. C’est très important car cela permet aussi de faire passer aux élèves le message que ce qu’ils disent est pris en compte, ce n’est pas juste quelque chose qu’on va écouter puis oublier.

 

 

Des élèves enthousiastes… et soulagés !

 

Quel est l’accueil des élèves ?

 

Les classes de futurs enseignants voient très bien les avantages que je viens de citer. Dans les petites classes, les élèves ont plus de mal à exprimer ce qui leur plait, souvent il s’agit de la couleur et le fait que le texte soit clair et net. C’est plus joli et ils sont sensibles à ça.

 

C’est sans doute en collège et lycée que les remarques sont les plus pertinentes. Les ados nous ont clairement dit qu’ils aimaient les écrans et le fait qu’il y en ait dans la classe. D’autres expliquaient que ça leur permettait de mieux suivre en cours. Avec le TBI, ils savent que, s’ils n’arrivent pas à tout noter, ce n’est pas grave parce que l’enseignant peut mettre les fichiers de cours sur l’environnement numérique de travail (ENT). C’est un soulagement pour eux. On a eu la même remarque à l’université. L’outil numérique permet de se focaliser davantage sur le contenu sur cours puisqu’il n’est plus indispensable de prendre ses propres notes.

 

 

Avez-vous rencontré des freins ?

 

Il y a toujours des problèmes techniques. Souvent, on perd du temps à brancher des câbles et à débugger des logiciels.

 

« Pour les enseignants, c’est très démotivant de passer du temps sur des logiciels qui marchent à moitié ! »

 

Nous n’avons pas vraiment de solution, nous aimerions bien avoir assez de moyens pour profiter d’un vrai soutien technique. Tout ce qu’on a pu suggérer, c’est que les enseignants travaillent ensemble en réseau. Avec le TBI se pose aussi le problème des logiciels payants : c’est très difficile de convaincre les établissements de s’abonner ou d’acheter des logiciels.

 

 

Sur quels autres projets travaillez-vous ?

 

SoNetTESocial Networks in Teacher Education – est un projet qui touche à sa fin mais qui a des objectifs très intéressants. Il s’agit de créer des groupes d’étude internationaux pour faire travailler ensemble des enseignants de différents pays et différentes matières : langues mais aussi sciences, mathématiques, sciences de l’éducation. Pour ça, nous avons créé des cours en ligne… C’est une autre façon d’utiliser les technologies !

 

 

Découvrez les témoignages d’autres digital makers sur les sujets liés à l’éducation et l’apprentissage :

Nicolas Prono – Le numérique pour accompagner les élèves porteurs de troubles de l’apprentissage

Yves Le Saout – Des tablettes pour développer de nouvelles approches pédagogiques au collège et au lycée

 

 

Crédit photo : Wikimedia


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