Le 19 janvier 2016, l’ACSEL (Association de l’économie numérique) organisait plusieurs tables rondes consacrées au métier de Chief Digital Officer (CDO). Parmi les intervenants, on comptait Serge Magdeleine, directeur marketing & digital du groupe Crédit Agricole, Diane Rivière, DRH d’AXA ou encore Guillaume Dolbeau, directeur du développement digital du PMU.
Comment le CDO transforme-t-il les RH ? Quelle est sa place dans l’organigramme ? Comment contribue-t-il à diffuser la culture digitale dans l’entreprise ? Retours d’expérience et bonnes pratiques de ces experts du digital.
Crédit agricole : détecter les compétences digitales « hors cadre »
Au Crédit Agricole, la transformation digitale est une problématique cruciale : ce sont plus de 500 millions d’euros qui y ont été consacrés en 5 ans. Pour Serge Magdeleine, directeur marketing & digital, le challenge est « de réussir le changement sans faire de fractures et de désamorcer l’angoisse vis-à-vis du digital ».
Pour lui, pas question de jouer les donneurs de leçons, il s’agit plutôt d’accompagner les collaborateurs : les changements sont introduits progressivement de manière à ce que les « changés » basculent en transformant l’entreprise avec eux.
« Le digital, ce sont les collaborateurs : ce sont eux qui imaginent leur métier de demain. Le service digital est uniquement là pour fournir la boîte à outils. »
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Dans le groupe Crédit Agricole, la transformation répond à trois enjeux principaux : la réinvention de l’expérience client, l’évolution vers des méthodes de travail plus agiles et l’anticipation des modèles économiques de demain.
« Aujourd’hui, il y a un véritable pont à franchir entre l’ancien monde et le nouveau. Dans le premier, on retrouve les feuilles de route, les organisations en silos et dans l’autre l’agilité à tous les niveaux. »
Lorsqu’il a monté le pôle digital du Crédit Agricole, après avoir constaté qu’il y avait « plus de compétences et d’expériences à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise », Serge Magdeleine s’est posé la question de l’organisation. Alors qu’il ne trouvait pas de collaborateurs présentant suffisamment de compétences digitales apparentes, il a eu l’idée d’adresser un mail de présentation du projet à toute son équipe. Plusieurs volontaires, porteurs de compétences hors cadre – blogueurs ou passionnés de nouvelles technologies – se sont alors manifestés.
Pour compléter cette équipe polyvalente, Serge Magdeleine a également recruté des gens dont c’était le cœur de métier. Il a par ailleurs créé un DigitalLab qui permet à chaque collaborateur de développer idées et projets et a mis en place une stratégie d’open innovation avec la pépinière « Le Village by CA ». Ses projets aujourd’hui ? Peut-être proposer un « 5e jour de la semaine » consacré au développement de projets personnels.
AXA : data scientists et Chief experience customer officer pour pousser la #transfonum
Chez AXA, les enjeux de la transformation sont un peu différents, il s’agit à la fois retrouver une compréhension de la diversité des clients, c’est-à-dire mieux les connaître et rendre ces informations disponibles à l’ensemble de l’entreprise pour mieux adapter l’offre, créer de la valeur en faisant évoluer la relation de l’assuré avec l’agent général et transformer l’interne en acculturant les collaborateurs et en assurant la transmission des bonnes pratiques
Pour Diane Rivière, DRH et chargée du digital, la problématique majeure consiste à « donner de l’autonomie à tous les niveaux de l’entreprise, de manière à prendre des décisions qui puissent impacter l’expérience client ». Une des réponses a été la création du Data innovation Lab ainsi que d’une cellule Big Data où actuaires et data scientists – un nouveau corps de métier chez l’assureur – travaillent ensemble. La difficulté ? Recruter ces data scientists, indispensables à la réussite du projet. Particulièrement difficiles à attirer, ils sont « rares et chers ». Selon Diane Rivière, trouver ces profils si spécifiques est d’ailleurs l’un des challenges de la transformation du secteur de l’assurance.
Par ailleurs, comme la distinction entre CDO et CMO (Chief marketing officer) était compliquée, l’entreprise a mis en place un autre poste moteur de la #transfonum : le CECO, Chief Experience Customer Officer. Pour la DRH, il a « un rôle de catalyseur pour donner du sens au levier digital et réinventer l’expérience client ».
PMU : désarmorcer les réticences par l’exemple
Au PMU, 17% du business se fait via le digital. Chaque année, cela représente 1,7 milliard d’euros. Guillaume Delbeau, directeur du développement digital, a dû créer l’intégralité du pôle digital. Pour cela, comme Serge Magdeleine, il a d’abord monté une équipe en interne avant d’y adjoindre des profils venus de l’externe. Petit à petit, il a ainsi pu mettre sur pieds ePMU, qui s’occupe de tous les dispositifs digitaux.
Quand les points de vente ont commencé à se digitaliser, il a fallu fusionner équipes digitales et physiques… Avec toutes les questions de culture et de méthodes que cela implique. Si, aujourd’hui, ce sont 80 personnes qui travaillent sur le digital chez PMU, pour Guillaume Delbeau, il y a eu « une vraie difficulté à faire comprendre que le digital est là pour aider ». Au final, il a fallu près de deux ans pour désamorcer les frustrations : certains collaborateurs se sentaient désemparés, dépossédés de leur pouvoir, de leur culture et histoire.
Le directeur du développement digital cite l’exemple du cheval connecté, équipé d’une balise GPS. Chez certains collaborateurs, les réactions ont été très brutales à l’annonce du projet, beaucoup craignaient que « cela dénature le jeu en lui-même ». Finalement, quand le dispositif de GPS pour chevaux a été présenté à des clients, tous les réticentes ont été levées. Pour convaincre de l’intérêt et des avantages du dispositif, il « suffisait » donc d’en faire la démonstration.
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