Claude Terosier, ingénieure de formation, est la fondatrice de Magic Makers, une start-up qui propose des ateliers de programmation créative destinés aux plus jeunes. Depuis 2014, plus de 2 000 enfants se sont ainsi familiarisés avec la « pensée informatique » et ont appris à programmer leurs propres jeux ou à concevoir des objets connectés.
A la prochaine rentrée scolaire, les enseignants pourront eux aussi profiter de la pédagogie innovante développée par Magic Makers. Avec Class’Code, un projet imaginé avec plusieurs partenaires, la start-up entend bien partager l’expertise développée dans ses ateliers et accompagner les professionnels de l’éducation dans l’enseignement du code, intégré aux programmes scolaires à partir de septembre 2016.
Pourquoi est-il si important d’enseigner le code aux enfants ? Quels sont les outils qui peuvent faciliter cet apprentissage ? Comment la start-up réussit-elle à s’intégrer à l’écosystème éducatif ? Claude Terosier a répondu à nos questions.
Comment est né le projet Magic Makers ?
Le projet a été lancé en 2014, mais l’idée de Magic Makers est venue en 2012. Quand mon fils a eu 8 ans, j’ai réalisé l’écart qu’il y avait entre la place de l’informatique dans le monde actuel, où de nombreuses activités s’appuient sur des programmes et des algorithmes, et celle qu’il occupe dans l’éducation. J’ai cherché des ateliers de code destinés aux enfants, mais je n’ai rien trouvé… J’ai donc eu l’idée de créer Magic Makers.
« L’informatique est une discipline relativement récente. En 2012, nous n’avions pas beaucoup de recul en termes de pédagogie. Pourtant, il n’y a aucune raison que les enfants n’arrivent pas à coder, pour eux, c’est même très gratifiant. L’enjeu, c’est de savoir comment les y amener. »
Aujourd’hui, Magic Makers organise tout au long de l’année des ateliers hebdomadaires pour les enfants à partir de 8 ans (et bientôt 6 ans). Ils y apprennent à programmer en créant leurs propres jeux. Nous proposons également de stages thématiques pendant les vacances scolaires.
« Les enfants viennent apprendre à coder une heure et demie par semaine, comme ils pourraient prendre un cours de sport ou de musique. »
Nous sommes une dizaine de salariés à temps plein et nous comptons également une quinzaine d’animateurs à temps partiel, des étudiants que nous encadrons et formons pour qu’ils puissent animer des ateliers. Nous nous sommes récemment associés avec Econocom, mais cela fait déjà plusieurs mois que le groupe nous accompagne.
« Les petites structures en forte croissance ont besoin d’aide pour grossir efficacement et intelligemment. Econocom nous fournit du matériel, ce qui est extrêmement important puisque ça nous permet de nous concentrer sur notre valeur ajoutée. »
Apprendre le code ? oui, mais en s’amusant !
Comment enseigner la programmation à de jeunes enfants ?
Notre démarche est très ludique. Les enfants imaginent des petits projets qui leur permettent d’acquérir les concepts de base de la programmation : qu’est-ce qu’une condition ? Comment concevoir un algorithme ?
Nous commençons par la réalisation d’animations très simples. Il s’agit par exemple de faire bouger des cubes et des cercles de couleur de façon aléatoire pour créer une œuvre artistique numérique. Pour cela, les enfants vont devoir s’approprier la notion de boucle en répétant plusieurs fois une commande qui permet de changer la couleur ou la forme des éléments.
Nous les aidons aussi à créer des histoires et des jeux qui vont les aider à se familiariser avec les notions de synchronisation (dans quel ordre faire parler les personnages ?) et de condition (si je touche la pomme je gagne un point).
En plus des ateliers hebdomadaires, nous organisons des stages pendant les vacances scolaires pendant lesquels les enfants peuvent notamment créer des objets connectés. Les plus jeunes programment des briques similaires à des Lego intégrant moteurs et capteurs pour par exemple concevoir des objets motorisés qui roulent et s’arrêtent quand ils touchent le mur. Les plus grands peuvent, eux, s’essayer à l’électronique.
Comprendre la pensée informatique
En général, nous utilisons des outils libres, disponibles en ligne. Avec les plus petits, nous commençons par un langage de programmation visuel grâce auquel ils assemblent des blocs avec leur souris, sans avoir besoin de taper des commandes.
Dès 8 ans, les enfants peuvent apprendre avec Scratch, un logiciel développé par le Media Lab du MIT. Comme il a été développé, non pas par des informaticiens, mais par des chercheurs en sciences de l’éducation, il est extrêmement efficace pour apprendre aux enfants à réfléchir.
« L’idée, ce n’est pas d’apprendre un langage, mais de comprendre la logique de la programmation et de l’algorithmie. Quand ces concepts sont intégrés, l’apprentissage d’un langage est beaucoup plus facile. »
Nous avons aussi des outils qui permettent de programmer des objets, comme par exemple Arduino, une plateforme de prototypage électronique en open source.
« Nous capitalisons sur des outils qui sont déjà utilisés par des communautés. Ce que nous développons en interne, c’est la méthode pédagogique pour accompagner les enfants. »
Pourquoi les parents vous confient-ils leurs enfants ?
Les parents qui inscrivent leurs enfants à nos ateliers partagent notre vision. Ils savent qu’être capable de coder, c’est pouvoir créer avec ces outils surpuissants que sont les ordinateurs.
« A l’heure où de plus en plus d’activités humaines requièrent de l’informatique, savoir programmer est extrêmement utile. Lorsque l’on lance un projet par exemple, il faut pouvoir communiquer sur Internet et donc savoir créer un site web ou, au moins, avoir la capacité de dialoguer efficacement avec le prestataire qui va s’en occuper. »
Les compétences acquises dans les ateliers vont au-delà de la technique et de la maîtrise du code : les enfants apprennent à mener un projet de bout en bout, à trouver des solutions à un problème, à travailler en équipe… Des compétences aujourd’hui indispensables pour travailler dans une entreprise ou une organisation, quelle qu’elle soit.
Une dernière raison, tout aussi importante, c’est que nos ateliers sont ludiques et que les parents ont conscience que leurs enfants vont s’y amuser !
Class’code : Diffuser l’expertise pedagogique auprès des professeurs
Avec le projet Class’Code, vous vous adressez aussi aux enseignants ?
Avec plus d’une cinquantaine d’ateliers par semaine à Paris et une vingtaine de stages pendant chaque période de vacances scolaires, Magic Makers nous a permis de développer et de mettre en pratique une pédagogie innovante. Mais, même si nous enseignons le code à beaucoup d’enfants, nous touchons uniquement les familles qui se préoccupent de ces sujets, qui ont les moyens et qui peuvent accéder facilement à nos locaux.
Pour nous, c’était très important de diffuser plus largement notre enseignement. Class’Code répond à cet objectif. Il s’agit d’un projet investissement d’avenir dont la Caisse des Dépôts est opérateur et qui a été monté en partenariat avec l’INRIA, Open classrooms, plusieurs régions, le réseau Canopé et des professionnels de l’informatique.
« L’ambition de Class’Code est de proposer aux professeurs et animateurs du périscolaire une formation hybride, en grande partie en ligne sur la plateforme d’OpenClassrooms, mais aussi en présentiel. En effet, si ces professionnels de l’éducation ont l’habitude de travailler avec des enfants, ils ne savent pas programmer et se sentent pas aptes à accompagner les élèves dans cet apprentissage. »
Pour nous, l’objectif consiste à montrer aux professeurs qu’ils sont capables de programmer (en utilisant des outils comme Scratch), à leur donner une culture informatique et à leur permettre de prendre du recul sur les enjeux sociétaux que ça implique, notamment en termes de données personnelles. Un autre volet du projet vise à partager des ressources qui vont accompagner ces professionnels dans leur projet pédagogique et les aider à s’approprier ces compétences pour les transmettre aux enfants en les adaptant à leur propre expertise.
Si nous parlons de formation hybride, c’est parce que nous voulons aussi que les apprenants se regroupent localement pour suivre les cours à plusieurs et créer ainsi des communautés pédagogiques. Ces communautés locales pourront par la suite devenir autonomes dans l’appropriation de l’apprentissage de l’informatique.
S’intégrér dans l’ecosysteme de l’education
Le projet est complètement gratuit et démarrera officiellement à la rentrée scolaire 2016, pour accompagner l’arrivée du code dans les programmes scolaires. Cependant, dès avril, nous allons travailler sur un premier pilote. Nous en attendons beaucoup, puisqu’il nous permettra de tester l’appropriation du contenu pédagogique par les professeurs et de voir comment on peut améliorer notre formation en ligne. A l’heure actuelle, beaucoup d’enseignants sont intéressés : les inspecteurs généraux chargés de rédiger un rapport sur l’intégration du code aux programmes scolaires pour la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sont même venus voir nos ateliers pour s’en inspirer !
A lire aussi :
=> #Twittclasses, #Twittérature, #FrenchTeach… Ça bouge du côté des enseignants !