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Génération Numérique : « Les élèves n’ont pas conscience des risques d’Internet »

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« Les naïfs du numérique sont bien plus nombreux que les natifs du numérique. »

 

Pour Olivier Le Deuff, maître de conférences à l’Université de Bordeaux Montaigne, les « digital natives » sont un mythe et l’utilisation des outils numériques, loin d’être innée, exige une formation permettant d’acquérir esprit critique et réflexivité sur ses propres pratiques. A l’heure où le gouvernement déploie massivement tablettes et ordinateurs dans les établissements scolaires, il est donc essentiel d’accompagner les élèves (et les professeurs !) dans leur utilisation.

 

Quelle perception les jeunes ont-ils des dangers d’Internet et de la nécessité de protéger leurs données personnelles ? Comment les sensibiliser au sujet ? Cyril Di Palma, délégué général de l’association Génération Numérique, répond à nos questions.

 

L’association Génération Numérique est spécialisée dans les questions liées à l’éducation au numérique. Elle emploie 13 intervenants répartis sur toute la France. Leur mission ? Se rendre dans des structures scolaires (écoles, collèges, lycées) ou non (mairies, services médico-éducatifs, associations de consommateurs…) pour sensibiliser et accompagner sur les sujets du numérique.

 

En quoi consistent vos interventions ?

 

Nous proposons des journées de formation lors desquelles nos intervenants se rendent dans les locaux des structures qui font appel à nous. Nous discutons avec les publics – mineurs ou adultes, en fonction des demandes et des problématiques à traiter – des enjeux et risques liés à Internet et, plus largement, aux outils numériques. Un diaporama mixant captures de sites Internet et vidéos nous permet d’illustrer nos propos, de provoquer le débat et de créer des échanges.

 

Nous abordons tous les usages numériques majeurs. Avec les plus jeunes, cela peut concerner l’accès à l’information, la nécessité de croiser et de vérifier les sources, mais aussi tout ce qui touche à la communication, notamment via les réseaux sociaux et les systèmes de messagerie : Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram et, maintenant, Périscope. Nous traitons aussi des médias sociaux en évoquant le téléchargement illégal de films ou encore des plateformes comme Youtube ou Dailymotion. Enfin, certaines de nos formations ont pour objet les jeux vidéo et leur côté chronophage et addictif.

 

Le plan numérique pour l’école et les vastes déploiements de matériel qu’il implique pousse-t-il les établissements scolaires à faire davantage appel à vous ?

 

Les raisons pour lesquelles nous intervenons sont multiplies et incluent effectivement le déploiement de solutions numériques. Dans ce cas, nous sommes appelés pour mettre les futurs utilisateurs dans de bonnes conditions pour la prise en main de ces nouveaux outils.

 

Dans les établissements scolaires, nous répondons à des questions sur la gestion des réseaux sociaux et leur implication dans la vie scolaire et à d’autres, plus techniques, sur le piratage, l’usurpation d’identité, le droit à l’oubli, mais aussi sur la sécurité des données et des personnes, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales puisque les chefs d’établissements sont sensibles à l’image de leur établissement que peuvent diffuser élèves et professeurs sur les réseaux sociaux.

 

 

Pour 56% des élèves, internet et les outils numériques ne sont que peu risqués

 

Les élèves sont-ils conscients des dangers d’Internet et de la nécessité de protéger leurs données personnelles ?

 

Grâce à une étude réalisée auprès d’un échantillon de 8 772 jeunes de 11 à 18 ans entre février et mars 2016, nous avons une idée précise de la façon dont est perçu le risque :

extrait-etude

Extrait de l’étude « Les 11-18 ans et les réseaux sociaux » (février 2016)

 

Non seulement les jeunes n’ont pas l’impression qu’Internet et les outils numériques sont très risqués, mais en plus, leur perception du danger n’est pas forcément en rapport avec la réalité : ils peuvent voir des risques là où il n’y en a pas vraiment et se croire en sécurité alors qu’ils ne le sont pas du tout.

 

Un élève peut par exemple estimer que les jeux en réseau sont très dangereux, sans pouvoir expliquer pourquoi, et, à côté de ça, avoir 500 amis sur un réseau social et y discuter avec des inconnus. C’est assez fréquent pour les jeunes d’avoir ce comportement paradoxal, à la fois très prudent et très naïf.

 

Pour les adultes, c’est un peu différent. Eux ont une perception un peu plus négative. Ils sont alertés et se méfient plus largement que les plus jeunes… Même si beaucoup ne maîtrisent pas l’ensemble des risques auxquels ils peuvent être confrontés. Par exemple, ils n’imaginent pas qu’ils peuvent recevoir un faux mail des impôts ou de France Télécom : ils comprennent qu’il y a des arnaques et des tentatives de phishing, mais pensent que ça ne peut pas tomber sur eux.

 

 

réseaux sociaux : une sensibilisation nécessaire au droit à l’image et à la notion de diffamation

 

Les établissements scolaires se sentent-ils démunis face à ces risques ?

 

Les personnels des établissements scolaires pourraient tout à fait assurer l’accompagnement que nous proposons… Sauf qu’ils font face à deux problèmes. D’abord, ils ne suivent pas de formation continue qui leur permettrait d’être à jour sur tous les outils. Bien sûr, ils pourraient donner des conseils généraux, qui soient indépendants des réseaux sociaux, mais ils n’ont pas la possibilité d’être à la pointe. Or, c’est ce qu’exigent les établissements.

 

Ensuite, ils ne disposent pas de la même légitimité que nous auprès des élèves ou même de leurs collègues : ils ne sont pas écoutés comme nous pouvons l’être. Si les établissements scolaires font appel à nous, c’est parce que nous sommes des experts. Par ailleurs, les questions que nous abordons avec les élèves sont principalement des « sujets de vie », sur l’utilisation du numérique à titre personnel et pas forcément à l’école. Les réseaux sociaux sont peu utilisés en classe, mais génèrent beaucoup de conflits et bagarres dans les cours d’écoles. Quand nous évoquons Facebook, c’est surtout pour parler des droits et devoirs des utilisateurs, pas de l’utilisation dans le cadre scolaire.

 

En traitant des réseaux sociaux, nous abordons aussi des questions transversales comme le droit à l’image et la diffamation et nous décryptons les conditions d’utilisation de Facebook ou Snapchat. Ce sont des points qui affleurent en milieu scolaire mais touchent plutôt à des comportements domestiques.

 

=> A lire aussi : #Twittclasses, #Twittérature, #FrenchTeach… Ça bouge du côté des enseignants !

 

Suivez-vous ce qui se passe dans les établissements scolaires après votre passage ?

 

L’impact visible, c’est que des discussions sont engagées entre élèves et professeurs : tout le monde apprend beaucoup de choses. C’est d’ailleurs pourquoi on nous demande de repasser d’une année sur l’autre, c’est un travail de longue haleine !

 

Nous faisons des bilans après nos interventions. Systématiquement, ce qui remonte, c’est la qualité du propos et l’intérêt de cette démarche d’information et de prévention. Au niveau des axes d’amélioration, ce qui nous est proposé, c’est de personnaliser encore plus les formations. Les établissements aimeraient qu’on puisse explorer le web avant nos interventions, pour y trouver des Facebook d’élèves et ainsi mettre ces derniers devant leur réalité. Malheureusement, cela exige des heures de préparation et c’est compliqué en termes de logistique.

 

 

Lutter contre les cyberharcelement et la radicalisation

 

Au-delà des établissements scolaires, collaborez-vous avec des instances locales ou mêmes nationales ?

 

Nous répondons à une demande qui émane du terrain. Ainsi, des communes ou communautés de communes font appel à nous. Nous travaillons par exemple avec Vincennes, Annemasse ou encore Cherbourg.

 

Nous collaborons également étroitement avec le ministère de l’Education nationale sur le sujet de la lutte contre les violences, au sens large : bagarres survenant à la suite d’un post Facebook ou d’un tweet, propos ou attitudes racistes, homophobes, antisémites ou sexistes. Nous aidons aussi les établissements à lutter contre le cyberharcèlement.

 

Le deuxième axe de collaboration avec le ministère, c’est la lutte contre la radicalisation et le recrutement. C’est un sujet que l’on suit depuis plusieurs années : il y a dix ans, nous traitions du recrutement par les sectes, aujourd’hui, nous travaillons sur l’embrigadement de jeunes qui pourraient être tentés de partir en Syrie ou en Irak. Nous déconstruisons ce qu’ils peuvent voir sur Internet, en leur expliquant comment les messages sont créés, avec quels objectifs et quelle portée… En commentant beaucoup la forme, nous expliquons aux élèves en quoi un clip de promotion sectaire est construit comme un teaser de jeu vidéo… Et pourquoi ce n’est pas anodin.

 

=> A lire aussi : Lycée Pilote du Futuroscope : Accompagner les élèves sur les territoires numériques


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